( —HISTORY IS ALL you left me, solo)

y a tellement de bruit à cette heure-là dans le starbucks que ça lui file la migraine. pas qu'il ait pas la habitude, liam, mais ça l'emmerde quand même. surtout aujourd'hui alors que son professeur de latin l'a encore engueulé pour son inattention. pas sa faut s'il trouve cicéron boring af. et les langues mortes, au demeurant. option élue sans conteste la plus inutile de l'année. mais bon. ça vous sera très utile pour vos études de droit, mr schneider. bs, bs, bs. il verrouille dans un soupire exaspéré son téléphone avant d'lever la tête vers le comptoir. vivement qu'on invente les bornes automatiques au starbucks. au diable le marketing. il veut pas de cons souriants derrière le comptoir, il veut juste des gens efficaces. et ça, ils le sont clairement pas assez. il claque de la langue impatiemment alors que le gus devant lui se décale vers la gauche.
- un latte, venti, lait d'amande.
il regarde à peine le gars qui tape sur la machine qui se dresse entre eux et tend sa mastercard dorée du bout des doigts quand il lui présente le terminal à bout de bras.
- votre nom ?
- liam
ses potes mentent souvent, pour rire, parce qu'il sont cons, ou parce qu'ils détestent l'usage de leur prénom. looking right at you, oz. mais liam il s'en fiche, il a pas le temps pour ça. il a des bouquins à éplucher, des traductions à griffonner du bout de sa bille, dans un coin d'la bibliothèque où les gobelets sont interdits, sauf à ceux qui ont l'argent et le sourire pour se garantir la tranquillité.
quand on appelle enfin son nom, ses yeux se lèvent au moment où il tend le bras pour attraper le carton, et le regard amusé du barista (ricanement) croise le sien. marron, chaleureux, sincèrement rieur. pas plus de seize ou dix-sept ans. leurs doigts se frôlent et pendant un instant, il a la respiration qui se bloque.
c'est indigne de king schneider.
et pourtant il reste là une seconde de trop.
puis son regard se pose sur le gobelet où le gars a inscrit son numéro.
- jpourrais te faire virer pour moins
- j'ai posé ma démission hier, j'remplace juste ma collègue pour l'après-midi. par bonté de coeur.
bonté de coeur.
( ricanement )
mais pour une fois, schneidy reste sans comeback. et face à un gars de chez starbucks, rien que ça. il renifle juste de la narine droite et tourne les talons.

(...)

il fixe son gobelet déjà vide depuis une demi-heure qui le nargue à côté de l'écran de son ordi. quelque part, au fond, il a toujours su que les mecs le repoussaient peut-être pas autant que la plupart de ses potes. trop lâche pour faire le premier pas. et puis il a que quinze ans après tout. les filles sont déjà toutes là, à faire la queue pour obtenir ses faveurs. pourquoi les mecs ? mais il a quel âge ce gars en fait ? peut-être qu'il l'a reconnu ? louche. louche. louche.
oh schneidy c'est pas l'heure de dormir
il a ses notes pour le débat de demain à préparer.
mais c'est plus trop la question du travail le dimanche qui hante ses pensées.
iphone à la main il ouvre son carnet d'adresses.
starbucks guy
et il rentre la suite de chiffres.
on sait jamais.
puis d'un geste sec il ferme le clapet de son mac, le fait tomber dans son sac et se lève dans un grincement de chaise. ses poil se hérissent. il prend son gobelet et jette son sac sur l'épaule.
depuis quand tu débarrasses ta place toi ?
- oh ta gueule.

(...)

from : me
to : starbucks guy
si t'es pas d'eaton, laisse-moi tranquille

il est pas d'eaton, liam le sait très bien.
pas parce que personne a eaton bosse chez starbucks (en réalité ils sont bien plus nombreux qu'on le pense, les gosses aux scholarships insuffisantes pour les entretenir)
simplement parce qu'il l'aurait déjà remarqué depuis longtemps.
observateur de l'ombre.

from : starbucks guy
to : me
à force de se reproduire entre vous, on se demande
comment vous arrivez à encore produire des bg comme toi.

on lui a déjà dit qu'il était beau
très souvent
peut-être trop pour son égo pachydermique.
mais étrangement c'est différent cette fois.
il est peut-être pas d'eaton, mais les doigts de liam tapotent déjà sur son écran.
tant pis
he's screwed.