dangerously (karaly)

putain. elle déclenche la chasse d’eau avant de s’appuyer contre le mur frais. encore une fois ses médocs lui donnent la gerbe, elle serait pas lesbienne, elle se demanderait même si elle serait pas ensemble, mais non, c’est encore et toujours le même problème, sauf que cette fois c’est différent. elle est pas dans son élément kara et elle aime pas ça. elle aime pas ne pas contrôler, ne pas tout prévoir, tout fixer. mais là elle s’est retrouvée embarquée dans un truc sans même le vouloir et bim, bonjour miami et le soleil. bonjour le partage de sa chambre avec la garce de retenue, bonjour les sorties en groupe alors qu’elle n’a pas d’ami, on adore. elle souffle kara, tant qu’elle le peut encore, elle passe son visage sous l’eau glacée, en profite pour ingérer le plus d’eau possible avant d’ouvrir la porte et de la voir avachie sur son lit, forcément. qu’est-ce que tu fous encore là, t’as une navette à prendre. comme si elle non, kara elle décide de ne pas suivre les autres, alors non le vieux bus scolaire c’est pas pour elle, mais c’est pour autant qu’elle veut pas profiter de la plage et du soleil. alors elle attrape son vieux sac à dos et tourner la poignée de la porte qui reste bloquée. deux fois, trois fois avant qu’elle ne perde patience et se retourne pour croiser le regard brun qui l’observe. vas y ouvre la porte, j’ai pas la patience pour ta connerie. ouais elle est saoulée kara, elle n’a qu’une hâte c’est sortir et penser à autre chose, mais le fait qu’elle soit claustrophobe doit aider à son besoin urgent de se tirer d’ici.

Le drap scotché à sa peau imbibée de la moiteur de Miami. C’est censé être agréable, elle se souviendrait presque de sa propre euphorie à l’idée de s’échapper de cette ville où elle avait râpé ses semelles trop souvent. Mais Aly n’est qu’un brouillon du mélange entre une gueule de bois fulgurante et un manque de sommeil qui commence à gratter la sanité. Et ses tentatives de trouver un peu de réconfort dans les bras de Morphée qui se soldent par des échecs à répétition ne font que continuer de lui érafler un peu plus les nerfs. Le corps qui se tortille avec ce manque de classe qui lui colle à la peau, elle s’échappe de l’étreinte étouffante des draps. Aly qui s’avoue vaincue en se redressant, accueillie par un couinement à lui en écorcher les tympans du sommier du lit. Finalement, c’est là qu’elle se retrouve, au bord du lit. Avachie, jambes ballantes, dos bien trop arqué, silhouette presque trop atrophiée pour être humanoïde. Mais qu’importe, qu’elle s’intime à elle-même. La pièce est vide, désertée depuis un moment certainement. Elle n’avait pas eu l’occasion d’échanger le moindre mot avec Kara, se mélangeant aux ombres en plein milieu de nuit, ou bien à l’aube en fonction des perspectives, et rejoignant à pas feutrés son lit. Elle l’imaginait ayant déjà quitté les lieux, pourtant c’est la douce mélodie des régurgitations qui lui indique qu’il n’en est rien. Putain. Comme la réflection parfaite de la seule pensée qui parvient à s’encastrer dans son crâne au bord de l’implosion. Sourire qui malgré lui dévale les pentes de sa bouche. Et qu’elle ravale aussi vite, merde. C’est juste sa réjouissance à l’idée que quelqu’un soit dans le même état piteux qu’elle n’est-ce pas? Forcément, quoi d’autre? Grincement horrifique de porte qui termine de lui percer la membrane déjà usée des tympans, et sa compagne d’infortune qui se dévoile dans le sillon. Et sa manière si touchante de s’adresser à elle qui accompagne la rencontre. "Bonjour à toi aussi, j’imagine? J’ai passé une merveilleuse nuit merci de t'en préoccuper." Les regards ne se sondent qu’une seconde, peut-être même deux, avant d’abandonner derrière lui la morsure de l’indifférence. Elle ne la regarde pas, ne s’attarde même pas sur son corps à peine enveloppé de tissu, juste coincé de sous-vêtements qu’elle avait par miracle réussi à enfiler à l’endroit. Aly qui laisse son exaspération s’échapper par ses lèvres dans le fantôme d’un soupir bruyant. Elle cherche à lui montrer, que des deux c’est elle qui supporte le moins la présence de l’autre. Quel putain de mensonge, elle en ricanerait presque avec amertume. Puis, comme une intervention divine qui la bénit, ou bien la manigance d’un seigneur des enfers un peu trop sadique, incarnée par la porte qui étrangement ne daigne pas s’ouvrir. Dommage. Elle se relève d’un à-coup peut-être trop enjoué pour son système encore à moitié anesthésié, rejoint Kara devant la porte. Un peu trop proche, c’est le signal d’alarme que lui envoie son cerveau atrophié quand son épaule effleure le calice interdit.   "Tiens, ton remake de l’exorciste dans les chiottes a réellement marché, on se retrouve dans un vrai film d’horreur." Les mots qui camouflent la réelle inquiétude sous une tentative bâclée de raillerie. Et le cœur qui chavire entre l’horreur de la perspective de rester coincée dans cette chambre au papier peint à moitié déteint et pendant en lambeaux, et ce léger picotement qui matraque sous les côtes.

elle avait oublié kara, oublié à quel point cette fille pouvait être belle, oublier à quel point son regard peinait à se détacher de sa silhouette quand elle avançait dans la salle de retenue, un air beaucoup trop fière sur le visage pour être agréable. Mais là c’est comme si tout lui revenait à la gueule, parce que aly se retrouve à côté d’elle, sa peau venait même effleurer l’épaule dénudée de kara et ça la fait frissonner la gamine. l’inconfort de se retrouver enfermée disparaît presque pour laisser la place à une sensation beaucoup trop étrangère pour être agréable. mais presque est le mot parce que quand la brune qui lui fait face ouvre, malheureusement, une nouvelle fois la bouche, kara revient bien vite à la réalité : elle se retrouve enfermée dans une chambre sans fenêtre avec une fille qu’elle ne peut pas supporter, du moins c’est ce qu’elle aime clamer sur tous les toits santa barbara. sans même un regard pour celle qui se trouve à ses côtés, elle commence à frapper contre le dernier rempart à sa "liberté", ouais ça sert à rien et elle le sait, forcément aly viendra lui balancer une remarque, un jugement, mais la panique est là et ça elle n’y peut rien. au delà de la panique, le fait que celle qu’elle considère comme la reine des garces, titre amplement partagé avec princesse iggy, puisse la voire aussi faible, aussi vulnérable, ça l’énerve, l’exaspère et pourtant c’est une image qu’elle va devoir présenter puisque déjà désespérée, elle vient glisser contre la vulgaire porte délabrée, la tête entre les mains. est-ce que tu pourrais au moins avoir la décence de t’habiller ? et là c’est la lutte, la lutte pour ne pas lever le regard, pour garder les eux fermés et rivés sur le sol, pour ne pas admirer toute la beauté d’un corps qui lui fait face et qu’elle a déjà imaginé embrasser en pleine heure de détention. foutue porte bloquée.

La situation est d’un grotesque cyclopéen. La chambre du motel crasseuse qui prend les couleurs d’un théâtre antique, et elles deviennent toutes deux les héroïnes infortunées d’une tragédie grecque où la fatalité revient toujours mordre au mollet. Ici incarnée par le verrou capricieux de la porte qui refuse de s’ouvrir, et les deux lits entassés maladroitement qui se font prison de fortune. Aly et Kara cloisonnées dans une prison aux barreaux maculés de rouille cuivrée. Le choix de compagnon de cellule reste discutable, cependant. C’est au foyer de ses opales que réside tout le paradoxe qui la tiraille, là où elle voit les flammes du pandémonium crépiter et l'appeler. Mais elle ne sait pas comment l’approcher, craint de se tâcher les doigts de cloques en se carbonisant à son toucher qui semble pourtant trop alléchant. Aly, elle ne sait pas comment appréhender les succubes sans y perdre un bout de sa sanité, sans s’écorcher le coeur aux ronces qui lui parcourent la poitrine. Donc elle repousse avec son acidité particulière et ses regard glacés. Une fois de plus elle prétend, s’invente un désintérêt grotesque pour la brune et y ajoute même une pointe de mépris qu’elle lui saupoudre grassement aux yeux. Et ça semble prendre. Tout du moins, c’est ce qu’elle tente de se dire. Et à force elle y croit dur comme fer, s’en auto-persuade. Mais ici, entre quatre murs où sont mélangés les souffles et où s’effleurent les épidermes dû à un manque cruel de place, la réalité prend un tout autre aspect. L’épaule qui dévore la sienne, l’oeil qui cherche mais ne trouve pas. Kara qui est d’habitude incendiaire se fait fuyante et refuse de se soumettre au joug de son regard. Étrange. Non, elle est trop occupée à placarder tout son désespoir contre le bois rongé de la porte, et à lui vriller les tympans par la même occasion. Langue qui claque contre le palet pour lui dessiner toute l’étendue de son agacement, Aly s’écarte légèrement quand Kara abandonne le combat pour se recroqueviller au sol. “Quoi, t’as jamais vu une fille dénudée? C’est pas ce qui se dit pourtant.” Sourire lubrique qu’elle modèle sur ses lippes, mais la raillerie meurt rapidement dans l’air saturé par son foutu comportement atterré. Légèrement vexant, même. Mais elle ne mérite pas plus qu’une froideur polaire alors qu’elle ne lui avait jamais offert ne serait-ce qu’un regard sympathique. Les secondes qui s’étirent finissent de lui donner l’impulsion nécessaire pour attraper le premier tee-shirt abandonné au sol et à l’enfiler maladroitement. Et même après la bataille avec le vêtement bien trop petit, c’est la même vision d’une silhouette abandonnée, lamentable, contre la porte qui refuse de s’ouvrir. “T’es sûre que ça va?” Les mots se mélangent au bout de sa langue, Aly a perdu l’habitude de l’empathie qui glisse le long de la langue, et elle se voit maladroite à tenter d'étancher les blessures. Se sent mal à l’aise avec les bras abandonnés contre le flanc, donc elle s’accroupit pour faire face à Kara. Moment de flottement, et c’est sa main trouve à elle seule la bravoure de se déposer contre son épaule, se souvenant de ces gestes qu’ont habituellement les gens et qu’elle tente d’imiter.