through thick and thin (liv ♥)

Jules est parti. Simple, efficace, factuel. Pas du genre à s’étaler par texto, encore moins depuis les derniers évènements. Lip, Rusty, elle sait que ça fait beaucoup, que Liv ne lui pardonnera probablement jamais, qu’elle s’en sortirait sûrement mieux avec une autre meilleure amie. Elle ne sait même pas si elle a encore ce statut, ces derniers jours, l’absence de la fille Castel qui lui crève le cœur même si elle n’en dit rien, ne montre rien. Elle aurait presque pu réussir à se débrouiller sans elle, vraiment, et Liv se portait sûrement mieux de son côté sans une Artemis dans sa vie. Oui mais voilà, ça, c’était avant que l’autre con se casse sans prévenir, qu’elle soit passé chez lui par hasard, sur un coup de tête, pour découvrir les camions de déménageurs déjà rempli. Pas un mot pour laisser entendre qu’il allait déménager, rien, il l’avait laissé dans l’ignorance la plus totale sous prétexte de ne pas passer leurs derniers jours dans les larmes et la tristesse. Comme si elle était du genre à se laisser aller à ce genre de conneries. Ca l’avait mise en rage qu’il ait pu lui faire un coup pareil, et elle lui en voulait encore, rêvait de pouvoir lui faire payer sa trahison. Mais maintenant qu’il est réellement parti, et qu’elle se retrouve seule chez elle, sans personne pour la distraire ou pour lui changer les idées, elle se prend le vide en pleine gueule, avec une violence qu’elle n’aurait pas soupçonné imaginable. Et ça la dépasse, cette douleur qui la traverse, elle ne comprend pas ce qui lui arrive, ne comprend pas comment c’est possible d’avoir mal à ce point pour un abruti pareil. Ca l’enrage encore plus, et elle se retrouve embringuer dans un cercle vicieux dont elle n’arrive pas à sortir, enterrer sous sa couette alors qu’elle n’arrive pas à contrôler le flot de larmes, ce qui l’exaspère encore plus et n’arrange en rien les choses. La sonnette résonne, vient la tirer de ce tourbillon qui l’emporte, et elle quitte son lit, en se demandant qui ça peut être. Elle essuie rapidement ses joues, sans se rendre compte que de toute façon, ses yeux restent rouges et gonflés, avant d’ouvrir la porte pour tomber sur une Liv armée de ce qui semble être un pot de glace, du chocolat et un paquet de mouchoir ? Artemis reste là, bouche bée, sur le pas de la porte, pas tout à fait certaine de voir correctement. « Je… T’es venue ? » Surprise, touchée, elle peut déjà sentir les larmes qui menacent à nouveau de la voir là, devant elle. Elle ne se serait pas imaginée une seule seconde que Liv rappliquerait après son message.

un sms. jules est parti. nouvelle de la journée. quel abruti celui là. et artemis qui prend la peine de t’en informer. c’est une blague ? c’est presque si tu as envie d’envoyer ton portable par la fenetre. tu pensais qu’elle avait compris que pour l’instant, rester à distance c’était mieux. clairement, tu n’as ni l’envie ni la force de la voir ou de l’entendre. les nouvelles de ses trahisons sont encore trop fraiches, trop dures à encaisser. si ça commençait à aller mieux, si tu commençais à oublier l’image de lip et elle, ensemble, il n’avait fallut que quelques heures, qu’une soirée à la con pour repartir en arrière. un pas en avant, trois pas en arrière, c’était limite la description de votre amitié en ce moment. et apprendre qu’elle avait couché avec rusty, ça te restait encore en travers. parce qu’elle savait, elle connaissait cette relation faite de promesses et de premières fois que vous aviez avec rusty. elle savait que c’était important pour toi. mais non. comme toujours, elle n’en avait fait qu’à sa tête. artemis et sa spécialité à éloigner d’elle les gens qui tiennent à elle. tu comprends pas trop ce concept, faire du mal aux gens qu’on aime, mais en attendant, ça t’as appris une chose : a quel point tu peux être rancunière. seulement voilà, au delà de ce coté rancunier, il y a une petite voix dans ta tête qui te dis que tu ne peux pas laisser ta meilleure amie seule. c’est dingue, parce que tu lui en veux, mais en même temps t’es là, à penser qu’elle est seule à pleurer sur son sort et que tu peux pas la laisser dans cet état là. alors tu te bouges, tu te décides à aller chez elle. pourquoi faire ? tu sais pas trop. rire de son malheur ? tu pourrais, mais c’est pas ton genre. tu fais un rapide tour de la maison, tu récupères du chocolat, de la glace, bien qu’elle sera sans doute fondue une fois chez artemis, des mouchoirs. t’es vraiment trop bonne olivia. te voilà partie en direction de chez ta pseudo meilleure amie. la sonnette comme habitude pour faire entendre ta présence. et lorsqu’elle t’ouvres, tu ne t’attendais pas vraiment à la voir dans un meilleur état. les yeux rougis par le flot de larmes qu’elle a du verser, visiblement surprise de te voir là. « ne me demande pas pourquoi, j’en sais rien » tu gardes des distances, un ton pas spécialement des plus agréables alors que tu as juste envie de la prendre dans tes bras et lui dire que tout ira bien. « j’ai pensé que tu ne devrais pas rester seule » que tu confesses en lui tendant le chocolat, les mouchoirs et la glace. plus cliché comme réconfort post rupture, ça n’existe pas.

Elle garde ses distances, Liv, tend le package spéciale post-rupture de loin, presqu’à bras tendu, comme pour l’empêcher d’entrer dans son espace vital. Et même si ça fait mal de la voir aussi froide, Artemis comprends, elle accepte le traitement de mise à distance, parce que c’est tout ce qu’elle mérite. Elle a merdé, puissance mille, et rien que le fait que Liv ait pu considérer l’idée de venir, c’est déjà plus que ce qu’elle espérait quand elle lui avait envoyé son message. Il n’était qu’à but informel, simple besoin de partager cette information à quelqu’un pour soulager le poids qui lui écrasait le cœur, et si elle avait cherché quelqu’un d’autre, pour ne pas la déranger, pour ne pas abuser, aucun autre nom n’avait accrocher son attention dans sa liste de contact. Trop peu d’amis, aucun d’assez proche pour se permettre de montrer sa faiblesse. Et si elle aurait pu contacter Sander, elle s’était retenue, leur réconciliation si fragile mise en péril depuis qu’elles les avaient pris en flagrant délit avec Lip. Non, à part Liv, elle n’a personne. « T’étais pas obligée… » Elle attrape le chocolat, la glace, les mouchoirs, se décale pour lui laisser le choix de rentrer ou simplement partir après avoir effectué sa petite livraison, alors qu’elle lui lance un regard suppliant malgré elle. « … mais merci ? » Elle marche sur des œufs avec elle, ne sait pas quoi dire, quoi faire, encore dévastée après être tombée à l’improviste sur les camions de déménageurs, et si elle comprendrait que Liv se casse sans un mot de plus, elle a désespérément besoin d’elle. Sa meilleure amie – ou a-t-elle encore droit à ce statut ? – fini par rentrer, et Artemis lui indique le salon, la rejoint après avoir pris deux cuillères pour la glace. Elle se laisse tomber dans le canapé, à distance raisonnable de la fille Castel alors qu’elle ne sait pas par où commencer. Parler de Jules, parler de Rusty, lui expliquer ce qu’elle n’a pas su lui dire à cette soirée de merde dans les bois, en présence de l’intéressé, lui dire le pourquoi du comment elle en est arrivée là deux ans plus tôt, en connaissance de cause. Les mots restent coincés dans sa gorge alors qu’elle se revoit à l’époque, après… Non, c’est trop dur pour l’instant, trop dur de commencer par ça quand elle n’a su en parler à personne à part Jules. Jules. Elle va commencer par-là, ce sera plus simple, et ça lui permettra de prendre la température qui semple pour l’instant glaciale. « Il m’a même pas prévenue ce con. J’allais chez lui quand je suis tombée sur les camions de déménageurs déjà quasi rempli. » Ca lui reste en travers de la gorge alors qu’elle s’attaque à la glace.

un espace vital a conserver. un périmètre de sécurité. c’est exactement ça. tu te retiens d’approcher. parce que tu sais pas comment réagir entre l’envie de la gifler pour tout ce qu’elle a fait jusqu’à présent : lip, rusty. les explications qui n’en sont pas. ou la prendre dans tes bras parce qu’elle te fait mal au coeur avec ses yeux rougis et gonflés. tu comprends même pas qu’elle t’aies informer du départ de jules. ni même ce que tu fais là à vrai dire. tu aurais pu, tu aurais du même, ignorer ce message. mais non. ton instinct. ta loyauté sans doute ont eu raison de toi. c’est limite si ce n’est pas à toi que tu voudrais donner des gifles, arrêter de revenir vers elle alors qu’elle ne cherche qu’à t’éloigner. tu dois être un peu maso sur les bords pour être là. tu repartirais presque après lui avoir donné le fameux kit de réconfort post rupture. mais ça te fait tellement mal au coeur de la voir dans cet état là que tu décides de rester, même si c’est pour pas décrocher un mot. tu finis par la suivre, entrer dans cette maison que tu connais si bien, t’installer à une bonne distance d’elle. tu sais pas trop quoi dire parce que finalement, la voir souffrir comme ça, dans ta tête c’est un juste retour de baton. il n’est pas question de vengeance ou quoi que ce soit d’autre, mais le simple fait de voir qu’elle n’est pas insensible à ce qu’il se passe a un coté satisfaisant. tu hoches la tête quand elle explique ce qu’il se passe avec jules. puis tu lèves les yeux au ciel en réfléchissant quel adjectif serait le mieux pour décrire ce comportement. « quel abruti celui là » c’est sorti tout seul. du fond du coeur. « eh bah, sacré champion niveau lâcheté, on fait pas mieux » quoique. même level quand ton frère n’assume pas s’être tapé artemis. c’est presque à croire que tous les mecs sont des lâches. sympa. « il sait, que t’es au courant ? ou il est vraiment parti comme ça ? » c’est plus fort que toi, curiosité, pour mieux comprendre ce qu’il s’est passé exactement. est ce qu’elle l’a pris sur le fait ? ou est ce qu’il est juste parti sans laisser de trace. tu lui en veux encore et toujours, mais une fois de plus, c’est plus fort que toi. ton amitié pour elle passe au dessus. parce que là, elle a besoin de toi. parce que tu sais que tu es la seule personne sur qui elle peut vraiment se reposer.

Un abruti. C’est le mot. Elle n’aurait pas dit mieux elle-même. « Non, ça c’est clair, il a jamais brillé par son courage. » Elle lâche un soupir alors que Liv cherche à en savoir un peu plus, et si elle ne sait pas si elle a vraiment envie d’en parler, ça la rassure quand même un peu de voir que l’autre fait un effort, qu’elle reste malgré tout, et qu’elle ne joue pas simplement la carte de l’indifférence pure et dure. Comme quoi, leur amitié n’est peut-être pas définitivement morte. A croire que l’optimisme de Liv a vraiment finit par déteindre sur elle, pour qu’elle arrive à garder une lueur d’espoir dans une situation pareille. Elle prend une profonde inspiration alors qu’elle revit la scène, l’arrivée chez Jules alors qu’il était sur le départ. « Je suis arrivée juste avant qu’il se casse. Soi-disant qu’il comptait passer chez moi à la dernière minute pour me prévenir, mais j’ai du mal à y croire. » Il avait voulu éviter de passer leurs derniers moments ensemble à penser au départ, soi-disant mais elle pense plutôt qu’il n’a pas eu le courage de lui annoncer son départ et que c’était plus facile pour lui de se barrer en catimini, ni vu ni connu, sans un mot. Elle ne peut s’empêcher de se dire que si elle n’avait pas eu l’idée de venir chez lui, il ne serait pas passé chez elle et se serait contenter de prendre le large sans la prévenir. Toute ces belles promesses pour rien, elle ne comprend même pas comment elle a pu se laisser avoir aussi facilement, elle qui avait les relations amoureuses en horreur. Elle mange distraitement sa glace alors qu’elle débat intérieurement sur comment aborder le sujet dont elle a réellement envie de lui parler sans la faire fuir. Maintenant qu’elle est là, qu’elles ont enfin un moment toutes les deux, elle se dit qu’elle doit absolument saisir cette chance de s’exprimer, maintenant ou jamais, peu importe que sa gorge se serre et que sa langue refuse d’articuler les mots. Hors de question qu’elle se laisse bloquer par son corps, c’est elle qui commande, oui ou non ? « Liv, je… Il faut que je te parle d’un truc. Je sais que tu voudras probablement pas m’entendre, mais j’ai besoin que tu me laisses t’expliquer, parce que autant pour Lip j’ai fait une connerie, j’ai aucune excuse et sincèrement je regrette, autant Rusty c’est… plus compliqué. » Artemis se concentre sur la glace fondue dans le pot, n’ose même pas lever les yeux pour voir sa réaction. « Je dis pas que j’ai une excuse ou quoi, mais… c’était pas la même situation ? » Elle relève les yeux vers elle alors qu’elle se mort la lèvre, peut déjà sentir la boule qui se forme dans sa gorge rien qu’à l’idée de devoir raconter la suite, de revivre ça encore une fois, l’angoisse au fond des yeux de ne pas savoir si l’autre voudra bien l’écouter jusqu’au bout.

encore un qui pense qu’avec ses couilles. tu repenses à ta discussion avec sasha et ça te fait sourire intérieurement. elle avait peut être raison sur ce sujet-là finalement. et artemis approuve ton avis. en même temps, il est bien difficile de ne pas trouver jules lâche. tu comprends pas à quoi ça l’avance d’agir comme ça. honnêteté, franchise, courage. tout ça semble bien loin du garçon et c’est presque à se demander ce qu’artemis a pu lui trouver. ça te fait mal au cœur d’entendre tout ça, parce que tu sens qu’il lui a fait de la peine à ta meilleure amie. et que malgré toute la rancœur que tu peux avoir contre elle, tu n’aimes pas savoir qu’on lui fait du mal. jouer l’indifférence s’annonce plus compliqué que prévu. ta curiosité est piquée. forcément. « evidemment. il a pas trouvé mieux comme excuse ? » tu lèves les yeux au ciel. pas d’optimisme cette fois ci. pas de mais si artemis, je suis sure que si il avait prévu mais tu l’as pris au dépourvu c’est tout. tu pourrais hein, lui sortir une connerie pareille. mais même toi tu n’y crois pas à cette histoire, il serait venu la prévenir. c’est-à-dire qu’il serait venu tranquille avec le camion de déménagement devant chez arty pour l’informer ? mais oui bien sur. et la marmotte elle met le chocolat dans le papier aluminium aussi. c’est du n’importe quoi. vraiment. aucun autre mot. la glace a l’air de faire son effet. apaiser un peu ta meilleure amie, qui commence a se lancer dans une chose que tu n’as certainement pas envie d’écouter et encore moins d’entendre. revenir sur ce qu’il s’est passé avec lip. puis avec rusty. mauvaise idée.  « l’un comme l’autre, c’était une connerie. point. » t’es complètement fermée à la discussion. le comportement de ta meilleure amie a fait mal. et les traces sont encore là. tu n’as pas envie d’en entendre parler. pas envie d’écouter des excuses qui n’en sont pas. et t’as encore moins envie d’en discuter. pas d’échanges. les faits sont là, aucune raison aussi plausible soit-elle aura grâce à tes yeux. « pas la même situation ? tu savais pour la promesse, tu as quand même couché avec. t’as merdé c’est tout. une fois de plus. » tu hausses les épaules. le visage fermé. tu te demandes vraiment pourquoi t’es venu là en fait. consoler une amie ? entendre une énième fois une tentative d’explication ? c’était peut être pas une bonne idée finalement.

Liv est froide et pessimiste, et ça la déstabilise. Elle qui a toujours été la première a essayé de voir le verre à moitié plein, dans toutes les situations, même les plus merdiques qui soient, elle fait preuve d’un sarcasme qui ne lui ressemble pas une seule seconde alors que ses yeux roulent dans leurs orbites. « Non… j’imagine que si j’étais pas passée je m’en serais rendue compte après coup. » Elle n’en revient pas qu’il ait pu lui faire un coup pareil, à elle, bordel. C’est pas comme si elle était n’importe qui, si ? Elle était sa Queen, ça méritait bien un message, un préavis, non ? A croire qu’elle s’était faite avoir par ses promesses d’être toujours là, elle y avait cru, quand il lui avait juré qu’elle ne serait plus jamais seule. Elle avait été bien naïve et bien conne, maintenant qu’elle y repensait. Il ne faisait que confirmer tout le bien qu’elle pensait des couples monogames. Résultat des courses, elle se retrouve seule, un cœur dont elle ignorait l’existence réduit en miette, probablement pour toujours, qu’elle le veuille ou non. Comment a-t-elle pu être assez cruche pour s’ouvrir à lui de la sorte, ça la dépasse. Elle plante et replante la cuillère dans la glace alors qu’elle essaie de faire disparaître Jules de son cerveau, qu’elle se décide enfin à aborder ce sujet si délicat, encore tabou entre elles, mais qu’elle a besoin d’aborder, même si ça lui en coute, même si elle doit ressasser des évènements qu’elle aimerait faire disparaître, qu’elle aurait préféré ne jamais avoir à vivre, même si Liv refuse de l’entendre. Artemis prend son courage à deux mains, prête à faire tomber les barrières, à défoncer le mur qui se dresse face à elle à coup d’explosif s’il le faut. Même si elle préfère essayer la manière douce, pour une fois, essaie de trouver ses mots. Mais loin d’y être habituée, elle cafouille, s’embrouille, plante les clous toute seule dans son cercueil après avoir creusé le trou. « Non c’était pas une connerie. Enfin si, mais… je regrette pas. Enfin non, c’est pas ce que je veux dire, par rapport à toi oui, mais dans le fond, non. Bordel, c’est compliqué, laisse moi t’expliquer, s’il te plaît ? » Mais c’est déjà trop en demander, Liv se braque complètement, l’expression glaciale qui fige son visage vient lui fendre le cœur – ou du moins ce qu’il en reste. Sa voix claque, glaciale, contraste avec la douceur à laquelle elle est habituée. « Oui, je savais pour la promesse, et là-dessus je te l’accorde, j’ai merdé. Mais non, c’était pas la même situation, c’était pas les mêmes raisons et… » Elle est coupée dans son élan suicidaire par une Castel qui se lève du canapé, se dirige vers la sortie, et ça, c’est trop pour elle. « Liv, attends ! » Pas Liv, pas elle, pas sa meilleure amie. Perdre Jules, c’est déjà difficile, mais si en plus elle doit regarder partir celle qui a été toujours été présente pour elle, qui a toujours été là, dans les bons moments comme dans les difficiles, celle qui la connait mieux que personne, alors autant crever. Hors de question qu’elle la laisse partir sans lui avoir dit tout ce qu’elle avait lui dire, sans avoir fait tout ce qui était en son pouvoir pour lui faire comprendre que non, c’est pas aussi simple qu’elle croit, et que tout n’est pas tout blanc ou tout noir. Elle suffoque alors que son corps refuse de laisser le message sortir, qu’elle se débat avec elle-même pour réussir à sortir les mots alors que ses poings se serrent, que les larmes s’amassent déjà derrière les paupières face à son incapacité à verbaliser ce traumatisme qu’elle se traîne depuis quatre ans. Mais quand elle voit la porte qui s’ouvre, c’en est trop, le cerveau clique, et ça sort dans un cri maladroit, enfin, alors que les vannes s’ouvrent. « J’ai été violée ! » Le temps semble se figer, le silence qui suit l’explosion est assourdissant alors qu’elle reprend son souffle, comme si elle venait de courir un marathon. « Je… quand j’avais douze ans je… j’ai été… » Impossible de le redire, l’énergie s’est envolée alors qu’elle appréhende la suite, la réaction de Liv. Si elle part, elle ne pourra plus rien y faire.

l’optimisme n’y est plus. tu n’y arrives tout simplement pas. tu voudrais pourtant. pouvoir la rassurer comme tu l’as toujours fait. glisser une petite idée, une pincée d’espoir qui ferait son chemin dans la tête d’artemis. mais non. c’est plus fort que toi, tu n’y arrives plus. le sujet jules te passes un peu au dessus. même si ça pique de voir ta meilleure amie aussi mal. si elle n’y était pas allée, il se serait enfui comme un lâche. oui et alors ? c’est presque si tu te sens à peine concernée. jules est un abruti, c’est pas nouveau. il est decevant, tu n’aurais pas cru ça de lui, vu ce qu’artemis avait pu te raconter. mais bon, maintenant le mal est fait. comme ces histoires entre lip et artemis, rusty et artemis. là aussi le mal est fait. et si tu avais entrepris de passer au dessus du fait que ta meilleure amie ait couché avec ton frère, aujourd’hui ce n’est plus le cas. tu as l’impression d’avoir fait un pas en avant et deux pas en arrière. une confiance a nouveau trahie et les piètres explications qu’elle te donne ne font que t’agacer encore plus. est ce qu’il y a une vraie raison, une raison valable pour trahir sa meilleure amie ? tu en doutes fortement. et quand elle te dit qu’elle ne regrette pas, c’est juste pire que tout. limite un troisième coup de poignard en plein coeur. t’es en train de vriller. littéralement. tu n’arrives même plus à réfléchir normalement tellement ça te fait mal d’entendre qu’elle ne regrette pas. tu aimerais la gifler, lui balancer un verre d’eau en pleine face. « tu regrettes pas, vraiment ? alors j’ai rien à faire ici en fait » tu n’en reviens pas. elle savait pour la promesse, l’importance que ça avait à tes yeux et elle ne regrette même pas ? tu t’en voudrais presque d’être venue ici, trop conne olivia, de venir réconforter son amie si c’est pour se prendre ce genre de réflexion dans les dents. les yeux pleins de larmes de rage, tu finis par te lever. tu renifles et plante ton regard pour ce que tu espères être la dernière fois dans celui d’artemis. « tais toi. je veux pas les entendre tes explications, j’en ai rien à faire » pas les mêmes raisons, pas la même situation blablabla. tu arrives à un point où tu t’en fous en fait. le mal est fait. elle regrette pas. fin de l’histoire. fin de plus de dix ans d’amitié. tu attrapes ton sac à main et direction la sortie. tu prépares déjà ton téléphone pour appeler adriel. sans doute le seul qui arrivera à te consoler et à te faire relativiser sur tout ça. mais tu es interceptée par une artemis qui te demande encore de ton temps. sérieusement ? après tout ça elle ose encore te retenir. tu te retournes vers elle, alors que tu es déjà sur le perron, peut être pour la dernière fois. « quoi encore ? » tu restes plantée là sans trop savoir à quoi t’attendre. peut être encore un espoir ? ou encore une annonce qui va te faire mal. effectivement, ça fait mal mais pas dans le sens où tu l’aurais cru. c’est pas une trahison qu’elle t’apprends. non. elle t’apprend qu’elle a été violée ado. et ça te fait mal. vraiment. parce que c’est ton amie, depuis que vous êtes gamines, et tu ne l’apprends que maintenant. tu te sens presque mal dans ton rôle de meilleure amie, de pas avoir su voir que quelque chose n’allait pas à ce moment là de vos vies. tu sais pas trop quoi répondre. une part de toi voudrait juste la prendre dans tes bras, l’apaiser comme tu sais le faire. mais ta conscience t’en empêches. tu lui en veux tellement que tu sais plus où placer le curseur. comment gérer le truc. plusieurs questions dans ta tête. mais aucune ne sort vraiment. elle regrette pas avoir couché avec rusty. ça reste encré dans ta tête malgré cette violente annonce. « et donc ? c’est censé expliquer que tu couches avec rusty ? c’est censé expliquer ta facilité à trahir ta meilleure amie ? » c’est violent comme réaction. mais c’est la seule chose que tu arrives à dire calmement. tu arrives même pas à avoir un minimum de compassion. rien.

Si elle a déjà du mal à retrouver son souffle, la réaction de Liv ne l’aide pas vraiment. Elle se serait à peu près attendue à tout sauf à ça. Elle reste là, interdite, alors que son cerveau semble en grève face à une Castel en rage, et ça elle ne l’a pas vu venir, elle est complètement perdue Artemis, ne sait même plus où elle voulait en venir alors qu’elle essuie ses larmes d’un revers de main. Elle se dit qu’elle a fait la pire erreur de sa vie de lui faire cet aveu, qu’elle aurait mieux fait de garder ça pour elle, de la laisser partir. De toute façon, elle se porterait mieux sans une Artemis dans sa vie, non ? Tout le monde serait d’accord là-dessus. Mais une petite voix en elle lui dit de ne pas lâcher l’affaire, refuse de la laisser partir, probablement pour des raisons tout ce qu’il y a de plus égoïstes, mais elle refuse de voir leur amitié voler en éclat pour ça, pour des mecs, tout aussi important qu’ils soient. Et quand Liv lui demande si c’est censé expliquer quoi que ce soit, elle reste bouche bée, parce que tout paraît si logique dans sa tête, tout semble si clair pour elle qu’elle n’arrive pas à se dire que ça ne l’est probablement pas autant pour elle. Elle cherche ses mots alors qu’elle plante son regard empli de détresse et de douleur dans celui de Liv. Parce qu’elle a du mal à savoir par où commencer, parce que ça lui fait mal de devoir revivre tout ça, de devoir tout expliquer, alors qu’elle aimerait oublier, laisser ça dans un coin pour ne plus jamais y revenir. Elle aimerait pouvoir laisser libre court à sa parole, mais elle sait que si elle ne se contrôle pas un minimum, elle va finir par s’emporter, s’énerver, et autant mettre Liv à la porte directement dans ce cas. Alors elle reste sur la retenue, s’énerve contre elle-même alors qu’elle va contre sa nature dans un dernier espoir d’enfin tout expliquer à sa meilleure amie, quand elle aurait dû le faire des années plus tôt. « Je… Tu sais pas ce que ça fait, ce que j’ai ressenti à ce moment, après… Et ma mère elle… Elle savait tout, elle savait qui, quand, comment mais… Pour ses putains de concours fallait rien dire, fallait pas que ça se sache, alors… Elle a enterré l’affaire, tout, elle m’a fait jurée de rien dire et… » Ca bloque, ça sort si difficilement, elle doit forcer chaque mots à sortir quand elle aimerait les retenir, mais elle doit aller jusqu’au bout, si elle veut avoir une chance d’avancer, peu importe qu’elle soit en train de se vider de ses larmes, elle compartimente, laisse cette information de côté pour se concentrer sur son but unique. « Je lui en voulais tellement, pour tout, mais ça, ça c’était… j’en pouvais plus, c’était trop et moi je… je me dégoûtais tellement de pas parler, et de… d’avoir vécu ça que… merde, j’étais pas censée survivre à cet accident, tu comprends ? J’aurais dû mourir, comme elle, parce que… c’était trop, Liv, j’en pouvais plus. » Elle se revoit glisser les cachets pilés dans le verre de vodka martini de sa mère, celui qu’elle prenait toujours avant de l’emmener en concours, dans un fol espoir qu’elle s’endorme au volant et que tout ça s’arrête, enfin. Pour sa mère comme pour elle. Mais Artemis avait survécu, à croire que l’univers n’en avait pas encore fini avec elle. « Et Rusty il… On avait bu, oui, mais il… Je pensais que ça serait impossible que je… j’étais persuadée que je serais incapable de… mais lui, il… j’avais confiance et… je pensais que jamais je ressentirais… pas après… et pourtant je… » Lot de phrases inachevées au travers desquelles elle espère que Liv arrivera à saisir l’essentiel, parce que ça commence à devenir vraiment trop pour elle alors qu’elle a envie de disparaître de la surface de la terre, de s’enfermer dans une grotte et de ne plus jamais en sortir. « Alors oui, je regrette que ça ait été lui, sincèrement, du fond du cœur, j’aurais préféré mille fois que ça tombe sur quelqu’un d’autre mais… je peux pas regretter le fait d’avoir retrouvé goût à la vie, d’avoir retrouvé confiance en moi, tu comprends ? » Elle lui lance un dernier regard suppliant derrière le voile de larmes qui lui brouille la vision, en se disant que si elle ne comprend pas, alors c’est foutu.