last day (cam)

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19 heures.
le soleil se couche et la nuit peine à voiler le ciel magenta.
et jamal lui, il a les muscles lourds et endoloris à cause du dernier entrainement de basket. des ecchymoses marquées au plus profond de sa peau. défense agressive. mais ça valait le coup. il tenait à son post de meneur, il voulait le préserver pour l’année prochaine. hors de question qu’un p’tit merdeux le lui vole à la rentrée. même si jamal est un putain d’branleur, il savait que le basket était la dernière carte qui lui restait pour son avenir.

il avait terminé sa douche après tout le monde. l’odeur de musc et de karité émanait de lui, certains d’ses coéquipiers sortaient sans prendre de douche parfois. ça arrivait. c’est crade, mais il juge pas jamal. il s’en fou.

et y’avait tout le monde à la sortie. ceux qui étaient inscrit dans des clubs uniquement, les autres partaient bien avant. ça parle fort, ça rigole, ça fume. y’a ce banc que lui et ses potes ont l’habitude de squatter. il est bien ce banc, juste en face de la sortie. on voit, on se fait voir.
avec les potes de jamal, ça parle de tout, mais surtout de rien. de basket, de musique, de meufs, de soirée.
c’était la fatigue ou l’effet dernier jour; mais jamal n’avait qu’une envie : rentrer chez lui et dormir. il savait très bien qu’il allait devoir bosser cet été. que ce soit à l’épicerie, ou faire des jobs à droite à gauche. cet été ne serait pas synonyme de farniente.

puis il appelle une meuf au loin. connue pour avoir toujours des clopes; mais connu pour ne jamais en donner. Jamal ne fume pas souvent. juste comme ça, par envie, par occasion. et là, maintenant, c’était l’occasion idéale.

jamal il a l’sourire facile, c’est un putain d’baragouineur. « et tes vacances, ça va être comment ?organise un truc chez toi, promis j’viens » il la tire un peu par le bras pour qu’elle vienne s’asseoir sur ses genoux. et il continue l’baratin, une main sur ses hanches. tout ça pour lâcher discrètement « t’as pas une clope à dépanner ». tout ça pour ça.

mais ça l’amuse jamal, ça l’amuse lui et ses potes. ils en rigoleront après, quand elle sera partie.
il glisse sa clope entre ses lèvres, l’embrase et tire. ça lui fait toujours un truc à la gorge. manque d’habitude. mais il ne tousse pas, il s’en retient.

la fumée se disperse et la première personne qu’il aperçoit au loin c’est Mila. cheveux noirs, corps galbé.

-« Mila » il hausse la voix pour qu’elle le remarque; jamal il a son sourire de p’tit con au bords des lèvres. « on rentre ensemble ? » demande-t-il les genoux toujours occupés.

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Tu ranges tes choses qui traînent un peu partout dans le vestiaire des filles qui dégage une odeur sucrée de savon, shampooing et crème. Tu viens toi-même de sortir d’une douche bien méritée, les entraînements de cheerleading sont exigeants, même si les gens ont cette fausse croyance que vous ne faites que bouger vos pompoms. C’est faux, et ça, ton corps fatigué peut le prouver. Il faut dire aussi que les jours où il n’y a pas d’entraînement, tu travailles tard au restaurant. Résultat : tes jambes sont tellement endolories que tu tiens à peine debout. Tes cheveux commencent à frisotter, d’ailleurs ils sont encore mouillés et dégoulinent sur tes épaules, mais tu as hâte d’être chez toi. Une fois tes choses rangées dans ton sac à main, tu sors des vestiaires, saluant les filles encore présentes d’une accolade, tu les verras sans doute demain de toute façon.

Une fois dehors tu marches un peu, observant le banc au loin où les gens ont l’habitude de trainer après les diverses réunions et entrainements. Souvent tu y vas, mais aujourd’hui tu te sens comme une vieille, tu veux rejoindre ton lit au plus vite. La seule raison qui te fais quand même approcher, c’est parce que tu as entendu Jamal t’appeler. Ils sont une bande au tour de lui, si bien que tu ne peux que le voir une fois proche, et tu te dis que finalement t’aurais préféré rien voir. Une jolie fille, beaucoup plus jolie que toi sans maquillage et tes cheveux fous, est confortablement perchée sur ses genoux. Et ses mains sont sur ses hanches. Tu te retrouves avec l’envie de lui foutre un poing en plein milieu de la figure.

« À toi de me l’dire.» Tu le toises de haut en bas, comme Aspen t’a appris à le faire, mais à vrai dire t’as pas vraiment envie de jouer le rôle de la bitch, tu coupes court. « Tu sais quoi, en fait t’as l’air pas mal occupé, aussi bien partir seule. » Tu repars dignement, la tête haute et frustrée, sous le rire de ses amis. Il t’énerve. Jamal t’énerve, royalement. Alors que tu t’éloignes, l’image des deux ensemble repasse en boucle dans ta tête et tu kickes un caillou sur ton chemin. T’es d’une humeur massacrante. Pour quelqu’un comme toi qui rit tout le temps, c’est rare. Tu te mets à fouiller dans ton sac à main pour chercher une clope et ton briquet, et une fois cels fait tu essayes de l’allumer, mais t’y arrives même pas, tes mains tremblotent un peu. Tu le détestes. Tu le détestes parce qu’il arrive à te mettre dans cet état. Tu le détestes parce que tu comprends plus rien à ce qui t’arrive. Tu le détestes, mais tu préfères penser que tout ça n’est lié qu’à la fatigue et une possessivité amicale. Comme si Marga se trouvait une nouvelle bff demain, tu agirais de la même façon. Enfin, tu penses.

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jamal il fait les grands yeux. perturbé, il perd ses mots comme un gamin.
l’incompréhension et l’sang qui lui monte à la tête quand ses potes se mettent à rire.
il feule une insulte. vos gueules. ses yeux bruns fixés sur la silhouette de mila qui s'en va.
la laisser ? la rejoindre ?
il souffle jamal, c’est relou les meufs.

sa cigarette se consume, il va s’en aller. il tire successivement dessus; ça pique, il tousse. putain d’clope, putain de mila et son regard froid, putain de dernier jour.
il s’enfuit, mais avant ça, il tape rapidement dans les poings de ses amis. camila est déjà à quelques mètres, elle a ce truc dans sa démarche quand elle est en rogne. ça s’capte, ça crève les yeux.
malgré ses muscles engourdis, jamal trottine pour la rattraper. son coeur bat un peu plus fort. depuis qu’il tire sur les clopes de ses potes à la récré', ses poumons sont vite en manque d’air. sportif à la dérive, son coach le tuerait.
ses pieds frottent contre le macadam, il s’arrête à sa hauteur.

-« c’quoi ton putain d’problème ? » ses mots sont coupés par sa respiration sifflante. « mauvais day ? mauvaise période ? prends des amphèt’ pour aller mieux. j’sais ap. »

et il voit sa fine main qui tremble, qui tente d’allumer sa clope. jamal il souffle à nouveau et il lui prend le briquet des mains pour lui allumer lui-même. fais chier cam. mais dans l’fond, il l’aime bien. âmes compatibles, même vibes. que ce soit sur plan amical que sexuel.
elle est cool camila.
elle a toujours l’corps chaud et doux.
toujours cette remarque ou connerie qui arrache un sourire à jamal.

il glisse le briquet dans son sac à main. il la regarde du coin de l’oeil pour voir si elle a toujours l’même regard que tout à l’heure. beaucoup d’gens seront morts si son regard pouvait tuer.
pour désamorcer l’truc, jamal il sourit. bouille d’ange; alors qu’en réalité c’est un enculé.
mais qu’elle le veuille ou non, ils allaient rentrer ensemble.

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« Tes amphets tu peux t’les mettre dans l’cul. » T’as l’air ridicule avec ton foutu tempérament, une vraie gamine, mais t’es nulle pour contrôler tes états d’âme. Pour l’instant, tu es surtout en colère contre lui et t’as envie qu’il s’en rende bien compte, même si tu ne donnes aucun indice du pourquoi. Qu’il devine seul, c’est pas pour rien que Dieu lui a donné un cerveau. De toute façon, toi-même tu n’en es pas certaine. Tu sais juste qu’après ta journée, le voir avec cette fille ça avait été la goutte qui avait fait débordé le vase. Tu continues de marcher, sans même le regarder, même si tu es secrètement satisfaite qu’il t’aie rejoint. D’un autre côté, t’es tellement énervée que tu aurais presque préféré qu’il reste avec sa chérie. « J’ai l’droit moi aussi, de pas avoir des bonnes journées. Toi quand ça t’arrive j’te dis quelque chose peut-être ? » En fait oui, tu lui faisais remarquer, mais tu es trop prise dans ton drama pour penser à ta contradiction. Même si ça surprend toujours un peu les gens, ça t’arrive aussi d’avoir des moments où t’as envie de tout casser et non, t’es pas toujours obligée de jouer au clown pour amuser leurs petits yeux. Faut que tu te changes les idées. Tu essayes de t’allumer une cigarette, mais même ça t’y arrives pas. Il le fait pour toi, et tu lui lances un regard noir. T’aurais pu le faire seule. Tu prends une grande bouffée, et quand tu expires, tu essaies en même temps de faire sortir cette foutue fille de ta tête, et toutes les autres avec. Ça te mets tout le temps dans cet état le voir avec d’autres, depuis la première nuit que vous avez passé ensemble, celle où vous étiez complètement bourrés. Tu ne regrettes rien, ni cette nuit, ni les autres d’après. Ce que tu regrettes, ce sont les conséquences que ça a amené, dont ta putain de jalousie que tu ne sais pas comment gérer. Tu prends quelques bouffés de plus qui te permettent de te détendre un peu, d’y voir mieux. T’es encore agacée par lui, mais au moins ta colère commence à retomber. Juste un peu. Juste assez pour que quand tu croises son regard et son sourire contagieux, tu sentes les coins de ta bouche se relever, avant de te reprendre et de presser tes lèvres ensemble pour éviter qu’elles ne bougent. T’es fâchée, faut pas oublier. « J’suis juste, hyper fatiguée okay ? » Prétendre d’être fatigué, c’est toujours l’issue la plus facile.

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il est con. et quand camila s’énerve, il sourit encore plus. ça l’fait marrer de la voir s’énerver. et ça doit aussi l’énerver de le voir se marrer.
mais c’est un gamin, c’est gamine et c’est peut-être pour ça qu’ils s’entendent bien.
d’habitude jamal a une grande gueule. à l’aise quoi qu’il arrive. répartie facile. mais là, il se retient. garde ses lèvres scellées. bien que l’idée de se mettre des amphets dans l’cul lui avait arraché un rire. et ça vient; mine amusé, il sort tout fière.

-« après, entre nous. si quelqu’un doit s’mettre des amphets’ dans le cul. j’te désignerais. toi comme moi savons que vu la taille, y’a plus de place dans l’tien. » il lève ses mains, comme si ce geste pouvait lui ôter toute responsabilité sur ses paroles.

et puis il rit jamal. comme il fait d’habitude. il peut pas s’énerver sur mila. pas maintenant. pas aujourd’hui.
peut-être demain, ou dans une semaine. mais pas aujourd’hui. parce que aujourd’hui, c’était au tour de camila d’être en rogne.

-« fatiguée à faire quoi ? tu secoues des pompons toute la journée et tu grimpes sur tes copines pour faire des figures chelou. c’est rien ça. » taquinerie bien placée, jamal glisse son bras par dessus les épaules de camila.

geste affectif amical. ou plus.
parce qu’il savait que ce n’était sûrement pas la fatigue.
et que si elle ne voulait pas en parler, elle n’en parlera pas.
et jamal il a la flemme de négocier. de lui tirer les vers du nez jusqu’à ce qu’elle crache tout ce qu’elle a sur son coeur qui va déborder.

-« donc vu ton état d’fatigue extrême, j’suppose que tu vas rentrer chez toi et t’endormir directement. c’est ça ? »

proposition indirecte. passer une heure, ou une soirée. dehors, chez elle ou chez lui. se toucher ou juste rigoler. parce que c’était souvent comme ça. amitié qui ne se cherche pas pour tuer l’temps, mais plus pour vivre des moments présents.
coup d’coeur amical avant d’être le coup de plusieurs soir.

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Tu ne prends même pas la peine de répondre lorsqu’il parle de tes fesses. Offensée, tu suis plutôt ton instinct qui te crie de te défouler en te donner un élan du bras... et le frappe avec ton sac à main, le plus fort que tu peux. Ce qui s’avère ne pas être fort du tout. Tu n’es même pas sûre de l’avoir blessé, ou même de l’avoir touché, et t’es certaine que ça va le faire rigoler de plus belle pendant que toi, tu n’en es que plus énervée. N’empêche qu’il est doué Jamal, avec son rire fort et contagieux. Au bout d’un moment, avec sa bonne humeur et ta cigarette qui se consume rapidement, tu n’as même plus envie d’être fâché. La colère, c’est épuisant. C’est peut-être pour ça finalement, que tes amis ne prennent jamais au sérieux tes crises. Ils savent qu’elles ont tendance à passer rapidement, même si ton intensité fait parfois peur. Jamal te taquine sur ta fatigue en te sortant le bon vieux préjugé selon lequel le cheerleading est un sport facile. Plus tôt ça aurait mérité un autre coup de sac à main, mais tu ne te contentes que de lever les yeux au ciel. Il faut dire que son bras autour de tes épaules aide grandement à te sentir mieux. « C’est pas rien ! C’est déjà mieux que quoi, dribbler et faire quelques paniers ? Pitié, mon frère y arriverait. Et j’te rappelle qu’il a 5 ans.» Taquine à ton tour, en cheerleader qui se respecte tu ne le laisseras pas faire sans répliquer. « Viens essayer une pratique, on verra si t’es pas mort après. Et entre nous, j’adorais te voir te déhancher. » Sourire suggestif mais ton blagueur, en somme c’est du toi tout craché. Ton humour vire souvent au flirt, et si certains le prennent au sérieux, les plus malins ont vite appris à ignorer parce que ça pousse souvent à confusion. Tu es rarement claire dans ce que tu veux.

Il suppose que tes plans consistent en aller te coucher directement et tu ne peux le contredire, sauf que plus tu y penses, plus tu réalises que ça craint. Tu agis déjà comme une vieille qui est lasse de la vie. Tu as peut-être des responsabilités d’adulte à endosser, ça ne veut pas dire que tu veux agir comme une. « Ouais, en gros mais c’est un plan franchement nul. J’peux pas rentrer trop tard à cause des p’tits mais t’aurais pas mieux à proposer ? » Jamal sait que ta mère travaille à l’hôpital et a parfois des horaires de soir, ce qui t’oblige à jouer la baby-sitter. Tu détestes ça. Tu préfèrerais mille fois être une gosse de riche qui peut aller et venir comme bon lui semble, sans obligation. Vive ton cellulaire qui te permet de te distraire durant ce type de soirée. Ta cigarette terminée, tu jettes ton mégot au sol avant de l’écraser. Tu te sens enfin assez calme, enfin tu penses, pour aborder le sujet qui t’as rendu autant boudeuse au début : « C’était qui la fille tout à l’heure ? » Tu lances ça en toute innocence et légèreté, comme si tu n’en avais rien as faire. Peut-être que tu aurais dû garder le sujet clos, mais ta curiosité a pris le dessus et la question brûlait tes lèvres depuis un peu trop longtemps.

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