combien de royaumes nous ignorent !

— teen attitude, teen problems.
I.

2018; démarre la tranquille descente aux enfers. A tous ceux qui ont toujours vécu la tête dans les nuages, s'improvisant angelots avant même de l'être, à tous ceux qui se sont trempés dans l'or qui n'était pas le leur; Felicita voue une haine amère. Partiale cependant : père est dans ce lot de voleurs et a fait son affaire tout seul, à en croire les médias. Mais la Felicita n'a jamais trop suivi la télé et les infos avant et refuse de voir la vérité mise au jour par les gros titres des journaux. Padre mio, qu'as-tu fait ? Elle refuse de croire et d'accepter la vérité. Tout va trop vite, le monde sort des limbes heureuses dans lequel il semblait plongé - l'anesthésie euphorique de ceux qui ont toujours vécu dans un monde protégé et incorruptible. Soudainement Catenacci est à toutes les bouches, du prestigieux lycée privé aux dames de bibliothèque et professeurs particuliers qui les fréquentent; eux les parias qui ne se sont que trop mal cachés. On admet pas que les enfants n'ont rien avoir là-dedans.
Et de toute façon, Felicita fera un avec son père. Il devait avoir une bonne raison, n'est-ce-pas ? Elle fait de son mieux pour entretenir le fantôme du héro statuaire qui l'aura protégé toute son enfance mais voilà, à quatorze ans on a pas assez d'armes pour mordre les ombres qui se mettent soudainement à nous entourer. Se battre dans l'air et rosser de grands discours ceux qui osent aller trop loin dans leurs attaques fétides deviennent sa nouvelle spécialité. Vautours qu'elle n'a jamais apprécié et qui montrent finalement leurs véritables couleurs, qu'elle attendait de toute façon au tournant.

Les murs semblent se rapprocher tant le silence est pesant dans leur jolie demeure romaine. Ni Italo ni elle n'ont la main sur le monde qui les entoure, et même mère à la froide beauté flanche de son piédestal.

Sa fille l'a toujours craint. Il y a encore à cette époque une légende autour du mythe du divin mannequin. Le profil altier, les grands yeux de poupée dont elle avait hérité. Le coin des lèvres retroussé dans un sourire carnassier. Autant de mimiques qu'elle avait tenter de retrouver dans le miroir, cherchant qui était cette femme et qui était celle enfantée, qui étaient-elles derrière les croix autour de leur cous.

Puis le désastre a mis Galatea à genoux, l'a poussé dans ses retranchements; soudain il fallait être fière à la messe même dans la tourmente. Seule, se sortir de là.
Felicita fait de son mieux pour forcer le cohésion familiale en public, et n'hésite pas à tenir les mains de son frère, de sa mère, de son père quand elle a la chance de le voir. Jamais elle ne paraît à court d'espoir, l'enfant sait offrir des sourires aux œillades indiscrètes - c'est de famille - et la honte qui plane au-dessus d'eux comme un nuage noir se mue en pluie pour martyrs quand les photographes sont de sortie. C'est vrai qu'elle n'a pas l'air de la haïr la mère Galatea, qu'elle n'a pas l'air de serrer les dents pour empêcher les larmes de monter quand papa fait l'affront de lui mentir en la regardant dans les yeux…
Quand elle eut terminé les représentations, Felicita a fait trembler les murs et a exigé vérités sur vérités, elle a pleuré, elle a hurlé, elle a craché sa haine comme il se devait, et finalement, elle n'a plus parlé que pour prier.  

Un matin elle se réveillait à Rome et le suivant c'était à la première escale entre l'aéroport et Nevada City. La décision avait été prise des semaines après le début de la descente aux enfers, et des semaines avant le départ officiel. Parce que Galatea savait que sa fille protesterait d'abord, elle avait eut pour une fois un rôle maternel adéquat; elle avait menti. Déclaration fallacieuse mais alléchante : C'est un autre monde là-bas tu verras, tu t'y plairas. De l'air frais, du monde partout, des découvertes à tous les coins de rue, ma Felicita…! La douce avait froncé les sourcils, suspicieuse, mais elle avait acquiescé. Peut-être que c'était vrai. Après tout, si sa mère voulait se racheter pour tous les mensonges, la jalousie latente et l'hypocrisie qu'elle avait subit jusqu'ici, c'était le bon moment. Et elle l'aimait, un peu, aussi. Alors elle l'avait cru.
Oh!, comme quelques mots doux avaient suffit à l'amadouer, la brune aux grands yeux, un véritable jeu d'enfant. Après tant de batailles, un armistice si aisé semblait inespéré. Felicita n'avait jamais été aussi assidue à l'école - quoiqu'il sembla difficile d'expliquer à Galatea que c'était que son seul compatriote au lycée se nommait également Catenacci et que la solitude pesait à sa famille. La maison lui paraissait trop grande, trop vide, trop triste. Elle avait déjà des airs de ruine antique alors qu'il ne l'avait pas encore quittée et le personnel que l'on avait renvoyé manquait cruellement à l'appel.
Un complot semblait lier secondes, minutes et heures pour rallonger les jours, accrochant le soleil au zénith de six heures du matin à huit du soir; leurs repas n'avait plus la même saveur en sachant qu'ils vivaient sur la corde raide. Coup dur pour les anges à qui on a arraché les ailes.

Mais si elle avait su Felicita, elle ne lui aurait laissé aucun répit.

Tout avait commencé quand leur lycée privé les avait laissé tomber. Comme tant d'autres, cela ne fut pas une surprise. Loin du scandale, la même ambiance de bonheur factice semblait prête à se reformer à la moindre occasion. Cependant les récentes blessures et la nouvelle obsession monétaire des trois membres exilés empêchèrent un tel retour; jour après jour, les disputes et piques sauvages sur la conduite à tenir s'enchaînent entre mère et fille. L'une refuse d'aller à l'église avec Galatea, l'autre menace de la scolariser chez les dorés. Pourtant c'était une bataille rondement menée qui a duré tout l'été - elle ne se laisserait pas à nouveau prendre dans la spirale infernale de tous ces enfants qui se prennent pour Icare. La chute avait été sauvage, mais révélatrice; c'était vrai qu'elle avait besoin de changer d'air. Sans peut-être réaliser qu'à lycée public ou privé, les gens se ressemblent plus ou moins et seul le milieu et les convictions changent.
Avoir insisté des jours entiers pour obtenir sa scolarisation à Silver, récupérer un peu de la main sur sa vie : cela avait été une victoire dont le goût avait momentanément effacer toute la disgrâce des mois précédents. Que la promesse soit brisée à la première occasion par Galatea qui se raccroche aux branches désespérément - qui menace, se transforme en reine du chantage - ça avait été trop : l'armistice de courte durée s'était soldée par des claquements de porte et des hurlements à faire vriller les voisins. Petit jeu juste ce qu'il fallait de néfaste pour briser la confiance relative qu'elle avait placé en sa mère. A présent démon manipulateur qui refusait d'admettre la séparation avec leur père, dernier boulet obligeant Felicita a vivre chaque jour la douleur d'être loin, si loin, elle se retrouve finalement au pied du mur. Aucun jour ne passe sans qu'elle ne craigne que sa fille ne fasse voler en éclat le léger rideau qui protège les Catenacci à Nevada City.



Terrifiée par les murmures entre deux messes si Felicita prenait un job étudiant, les rires moqueurs quand il faudra abandonner les robes Roberto Cavalli, les mères au foyer qu'on connait juste assez pour aller au yoga et boire un verre de vin ensuite, mais qui n'hésiteront pas à vous tourner le dos quand la petite dernière remontera ses manches et marchera en tête d'un cortège pas tout à fait du bord que l'on souhaiterait.



Ce sont les lionnes dans l'arène qui se battent entre elles, alors qu'ensemble Galatea et Felicita seraient incoercibles.


Ne jure que par le café depuis que ses nuits sont plus courtes; la faute aux écrans. // Parle anglais couramment, mais garde son accent comme un vieil ami. // A appris le violon et continue de pratiquer seule. // A désactivé son ancien compte Facebook pour s'en créer un neuf. Seuls quelques rares amis d'Italie y ont accès, ainsi que toutes ses nouvelles rencontres de Nevada City. // Découvre récemment qu'elle a un talent pour les travaux manuels qu'elle ne se connaissait pas; aime construire, bidouiller, savoir comment les choses fonctionnent. // Est tombée sur de la kpop sur YouTube : deviens progressivement fan. // Compte ses grains de beauté lorsqu'elle est nerveuse. // Est terrifiée par les profondeurs marines. // Le meilleur moyen de l'irriter est d'être trop tactile avec elle. //S'est secrètement créé un compte Instagram avec lequel elle arpente les tréfonds de la culture Internet des gens de son âge : Tumblr, memes, shitpost & astrologie. Adore ça, malgré une méfiance première. // A peur de recommencer un journal intime, terrifiée à l'idée que sa mère fouille dedans. Ce qu'elle fera, sans aucun doute. // A rarement l'air aimable. // Utilise un vocabulaire de jeune lambda mais joue de l'emploi des grossiertés avec subtilité. // Ne supporte pas, ou difficilement, les cours de discours. // Aime vraiment sincèrement assurément sans aucun doute la crème glacée. // N'apprécie plus vraiment les opéras sans son père. // Allergique aux poils de chiens et de chats. // Démarre au quart de tour, parfois pour pas grand chose. // A besoin de huit heures de sommeil, sous peine de faire vivre un enfer au reste du monde. // Déteste avoir tord. // Les aboiements de chiens lui hérissent l'échine. // A un passé de grande dépensière s'achetant des bêtises à la première contrariété : cherche un nouveau moyen d'exprimer ses frustrations sans gaspiller. //  Culpabilise pour un rien, a honte de beaucoup de ses petites manies. // Hésite à devenir végétarienne. // Tellement perdue qu'elle peut passer des heures à fixer un mur sans savoir quoi faire. // Ronfle et parle dans son sommeil.