Korbhen ~ The hurted black bird

— teen attitude, teen problems.
La chambre est blanche, simple, épurée. Minimaliste. Un lit, une armoire, une table de chevet et deux sièges. C’est l’été, il fait chaud, la fenêtre entre-ouverte, et la brise fait doucement danser le rideau bleu clair, alors que les rayons du soleil caressent ton visage endormi, en ce début d’après-midi. Sur la table de chevet, il y a un joli bouquet de fleurs, au parfum sucré. Le bip, bip, régulier, de la machine à laquelle tu es branché. C’est le beau au bois dormant revisité. Et dans cette version du conte, c’est le prince charmant qui fit tomber le damoiseau dans l’inconscience. Il y a le bandage, sur le haut de ton crâne. Il y a le plâtre, sur ta jambe gauche. Il y a les bleus, sur ta peau. Et les marques de mains, autour de ton cou. Sur le siège, à côté du lit, il y a maman qui pleure, en serrant ta main, papa, qui lâche une larme, mais tente de se contenir. C’est la première fois qu’ils te revoient depuis presque trois mois. Elles sont belles, les retrouvailles de famille. Toi, tu ne les vois pas, tu ne les entends pas. Tu dors. Mais tu ne rêves pas, tu te remémores.


Dans la chambre d’hôpital,
Les yeux clos tu te souviens,
À quel point il t’a fait mal,
Alors que tu étais sien.


Bambin haut comme trois pommes, qui joue dans le jardin sous le regard ébahi de tes parents. Tu caresses les pétales d’une marguerite, parce que tu trouves ça "tout doux". « - Hey, Korbhen chéri. Tu veux faire quoi, quand tu seras grand ? » Qu’il demande, ton papa. Large sourire aux lèvres, tu énumères ce que tu voudrais faire, comme on écrit sa lettre au père Noël. « - Moi quand je serais grand, je serais marié comme vous, je serais papa et maman comme vous ! Je serais un astronaute, et super héros aussi ! J’aurais plein des animaux dans ma maison, et je ferais le jardinage des fleurs ! Je serais pilote avec ma voiture ! Je ferais tout ça quand je serais grand ! » Et c’était ça, tes rêves d’enfants.


Rêve d’enfant qui dure toujours,
Un peu fou, un peu marrant,
Rêve de joie, rêve d’amour,
Voilà c’est beau d’avoir quatre ans.


Le professeur principal, qui agite les copies sous ton nez, d’un air insatisfait, mais compréhensif à la fois. « - Ça ne va pas du tout, Monsieur Hogan. Je sais bien que vous vous donnez du mal. Mais les sciences, une catastrophe. Les maths, n’en parlons pas. Musique, c’est pas votre truc, art, pas terrible non plus. Littérature, vous y mettez du votre, mais vos analyses sont à côté de la plaque… Même le sport… Vous n’êtes pourtant pas un gringalet, je ne saisis pas. Il n’y a que les langues, où ça se passe bien, mais ce n’est pas suffisant. Je sais que vous bossez, mais j’ai peur qu’avec ces résultats, ça ne soit pas suffisant, pour l’examen. » Toi t’as juste l’air déçu. T’es une brèle, ce n’est pas possible. Faut te ressaisir, tu le sais bien. Pourtant t’en fais déjà plein des efforts. Tu sais que, même si par un miracle tu l’avais ton diplôme, avec ces résultats, ça allait te fermer plein de portes. T’allais devoir fermer de nombreuses portes, de choses que tu envisageais de faire. Pas le choix.


Il te met le bulletin sous le nez,
Une impression de bosser pour rien,
Où peut-on aller avec une telle médiocrité ?
Jamais bien loin, tu ne le crains.


La musique qui résonne dans te oreilles, bière à la main, alors que tu danses dans le salon, parmi un beau mélimélo d’étudiants de Silver Creek. La fête bat son plein. Une petite nénette, qui vient se déhancher dans un collé serré contre toi. Tu fais la grimace. Tu ne peux pas lui en vouloir, mais… Ça te déplait. Alors tu prends la fuite, quittes la piste de danse improvisée et vas rejoindre tes potes, dans la cuisine ouverte. « - Bah alors Raven ! Tu déconnes, elle était mignonne ! J’aurais aimé être à ta place. » « -Haha ! Très drôle, Jordan. J’aurais aimé être à la tienne, figure-toi. Tu sais bien que c’est pas mon truc. » Les filles non loin de vous se mettent à glousser, en expliquant à leurs amis que des mecs de Golden Oak ont été invités par l’organisatrice de cette fête. L'un de tes potes râle en étendant ça. Toi, tu t’en fiches royalement. « - Hey, Korbhen… L’un des bourges te reluque… » « - Pardon ? » Tu regardes dans la direction que Jordan te montre. « -Bordel de… »


Ces gars d’ailleurs, venus s’amuser,
Certains râlent, veulent en découdre,
Mais vous vous êtes regardé,
C’est ce que l’on appelle le coup de foudre.


Il était un peu plus âgé que toi, t’en avais rien à foutre, parce que t’avais ce grand sourire niais sur le visage, quand tu le voyais. Le début, l’idylle. T’en as eu des amourettes, mais lui… Lui… T’étais dingue de lui. Beaucoup trop. Le gars idéal. Il était de cet autre lycée, mais ne craignait pas de se pavaner devant le tien, pour venir te chercher à la sortie. Il n’avait pas honte de t’ouvrir ses bras devant le sien. Tu l’invitais au resto, il te faisait danser. Il t’emmenait au ciné, et tu passais plus de temps à l’embrasser que regarder le film. Un coup c’était chez toi, le faire sans un bruit. Un coup c’était chez lui, dans des draps de soi. Tu étais l’amoureux transi, et il était celui dont on ne se sépare pas. Gendre idéal, il s’est fait aimer des parents. Garçon sympa, s’est fait apprécier par les amis. Histoire parfaite, invitation à venir emménager chez lui. Et tu lui as dit oui.


Copain parfait, gendre idéal
L’amour est fou, l’amour est beau,
Il te promet de te décrocher les étoiles,
C’est dans son nid que tu te poses, bel oiseau.


Oui, tu répondais toujours oui. Même quand tu pensais non. Tu étais devenu amoureux, mais malheureux. Tu ne vois plus personne, depuis un moment. Les amis, la famille. Ton petit monde tourne autour de lui. Barre-toi Korbhen, cours, enfui toi. Quand le soir il rentre, de mauvaise humeur sans trop savoir pourquoi, et que c’est toi qu’il insulte. Barre-toi Korbhen, cours, enfui toi. Lorsque la nuit, c’est sa main droite entre tes cuisses, et la gauche plaquée contre tes lèvres, alors que tu n’as rien demandé. Barre-toi Korbhen, cours, enfui toi. Quand il commence à lever la main sur toi parce qu’il te juge responsable de sa mauvaise journée. Barre-toi Korbhen, cours, enfui toi. Quand plus fort que l’amour, la peur, que chacun de ses gestes te font trembler, et qu’il te dit « - Sans moi t’es rien. Sans moi t’es moche. C’est moi ou rien. Personne ne t’aimera. Mais moi je t’aime. Et toi tu m’aimes, et c’est pour ça que tu restes. » Oui, c’est pour ça que tu restes. Et le lendemain, tu diras que si ton épiderme est violacé, que  si ta cote est fêlée et que t'as une entorse au poignet, c’est à cause d’une mauvaise chute dans l’escalier. Barre-toi Korbhen, cours, enfui toi.


Tu ne vois plus tes amis,
Tu ne vois plus ta famille,
Tu ne vis plus que pour lui,
Tandis que tes forces se distillent.


Le sang qui coule, depuis ton front. Le liquide pourpre, qui ruissèle le long de ton nez, finit sa course sur le bord de tes lèvres, la goutte qui s’échoue au sol. Le coin du mur pris en pleine tête te désoriente. Il hurle, mais tu ne comprends plus ce qu’il dit. Ton corps est douloureux. Tu tentes d’aller vers la porte d’entrée. C’est la putain de chaise dont il se sert, pour te frapper. Ta jambe gauche qui réceptionne le coup. Crac. Tu l’entends résonner dans ton corps. Cri déchirant de douleur, alors que tu t’effondres par terre. Il te monte dessus, te file un coup de poing. Et tu pleures. « - Bébé… Arrête… Pitié arrête… Tu vas me tuer… » Mais il continue. Et y’a ses mains autour de ta gorge. Et elles serrent, elles serrent encore. Tu étouffes. Tu manques d’air. Tu tombes inconscient. La suite tu ne sais pas. Est-ce que t’es mort ?


À force de coups, l’amour se fane,
Visage plein de larmes, supplications,
Pour sa folie, c’est toi qu’il blâme,
Sur son échiquier, tu étais un pion.


Tu ne seras jamais astronaute ni super héros. Tu n’auras pas plein d’animaux. T’auras pas un beau jardin plein de fleurs. Tu ne seras pas pilote de voiture. Tu ne te marieras jamais et tu n’auras pas de gosse. Parce que tu es déjà grand, et que tu as abandonné tes rêves d’enfant. Tu seras juste un mec écorché vif, qui ne s’en remettra jamais vraiment. Un mec qui, pour le meilleur et le pire, ne sera jamais plus comme avant. Un mec qui tant bien que mal tentera de s’en sortir. Un mec qui fera tout pour ne plus souffrir. Un mec d’un soir parfois, qui ne donnera jamais plus son cœur. Un mec qui cachera son malheur, sous ses airs charmeurs.


Garçon brisé, se croit reconstruit,
Il aime aimer, mais veut se protéger,
Fragile, c’est pour ça qu’il te fuit,
Et toi, pourras-tu l’apprivoiser ?


Un mois, non plutôt deux,
Que vous vous êtes rencontré,
Et lui, le voilà ambitieux,
Vouloir conquérir un homme blessé.


Il te dit qu’il ne veut pas de toi,
T’aimes le défi, donc tu persistes,
Il les connait, les mecs comme ça,
Avoue t’aimes ça, qu’il te résiste.