take me home (rusty)

La voiture n’a pas démarré depuis cinq minutes qu’elle somnole déjà sur le siège passager. La bière, l’a douleur d’avoir vu Ollie en embrasser un autre, la honte mortifiante de s’être retrouvée en sous-vêtement, le visage amoché de Rusty, autant de facteurs qui l’ont achevée, trop sensible pour survivre aux montagnes russes émotionnelles. Plutôt du genre à tout intérioriser, à garder ses ressentis pour elle de peur de froisser les autres, elle se laisse vite drainer de toute son énergie à contenir les vagues qui aimeraient se faire la malle. Elle tire les manches trop longues du pull sur ses mains avant de croiser ses bras, la tête dodelinant légèrement vers la fenêtre, alors qu’elle se laisse bercer par le bruit du moteur. C’est sa main sur son épaule alors qu’il l’appelle qui la réveille. Il lui faut quelques instants pour se souvenir d’où elle est, alors qu’elle se frotte les yeux pour chasser les derniers signes du sommeil. Ils sont déjà devant chez elle, et elle hésite. Ne sait pas si elle doit simplement rentrer et le laisser partir, ou lui proposer d’entrer pour s’occuper des traces de poings inconnus qui se sont imprimés sur son visage. Il ne lui faut pas longtemps pour pencher pour la deuxième option. Probablement la force de l’habitude. Elle se penche, lui indique le côté de la maison, le cadre longeant le long du mur où grimpe le lierre. « Tu vois la fenêtre, là ? Quand tu verras la lumière, t’auras qu’à monter. » Devant son visage incrédule, elle se rend compte qu’elle ne lui a pas donné toutes les informations. Les yeux qui s’écarquillent, elle s’empresse de compléter sa phrase avant qu’il ne se fasse des idées, alors qu’elle peut déjà sentir le sang lui monter aux joues. « Pas pour… je… Pour ton… Ta tête. Ton visage. On va essayer de limiter les dégâts. » Elle englobe son visage d’un geste de la main. « J’ai tout ce qu’il faut dans ma chambre, Kael passe souvent pour ça en lendemain de soirée. » Et ça la dépasse. Elle ne s’est jamais permise de le juger, le connaît trop bien pour savoir que tout n’est pas si simple, mais ça ne l’empêche pas de ne pas approuver pour autant. « Je t’aurais bien fait passer par la porte d’entrée, mais ma mère te foutrait dehors et mon père… Y aurait pas que ton visage qui serait amoché. » Après deux ans, il ne tolérait toujours pas Kael, alors un inconnu… Elle sort de la voiture, passe la porte d’entrée, essaye de filer vers la cuisine pour récupérer de la glace sans se faire repérer, mais c’est sans compter sur sa mère qui l’attend, prête à l’inerroger. Elle bafouille une excuse, une cheville qui lui fait mal, pour justifier la glace, esquive la question du pull inconnu en montant les marche jusqu’à l’étage quatre à quatre. Une fois dans sa chambre, elle prend soin de bien fermer la porte avant d’allumer la lumière et d’aller ouvrir la fenêtre. Le temps que Rusty monte, elle sort sa pharmacie personnelle de sous son lit. Il passe par la fenêtre, et elle l’invite à s’asseoir à côté d’elle alors qu’elle lui tend la glace. « Tiens, met ça sur ta joue. » Elle lâche un soupir, se mord la lèvre alors qu’elle meurt d’envie de lui poser la question à laquelle Kael n’a jamais su répondre. Elle est loin d’être sûre que Rusty lui en apporte une, mais à force de s’occuper des conséquences, elle aimerait comprendre. « Dis, pourquoi les mecs finissent presque toujours par se battre en soirée ? Je veux dire, ça vous apporte quoi, à part des pommettes explosées ? » Aucun jugement dans le ton, juste la naïveté de son incompréhension alors qu’elle scrute son regard, guette la réponse.