tu ris tu perds ( Ulysse-Kali)

T’es un peu mal à l’aise, Kali à l’idée d’aller chez Ulysse sans vraiment avoir été inviter. Ça fait plus de six mois que tu n’es pas allée chez lui, alors que t’y allais toutes les semaines, avant. Donc ouais, c’est vraiment trop bizarre, Kali, et tu as tout essayé pour ne pas venir. Feindre des travaux en retard, un court de violon, une maladie. Mais rien n’a marché et te voilà assise sur le canapé de ton ancien meilleur ami. Au mur, il y a encore des photos d’Ulysse, Léo et toi, heureusement, personne ne semble se rendre compte que c’est toi. Un verre de soda à la main, tu es catégorisée comme la fille chiante de la soirée, la seule qui ne boit pas, alors que tu habite juste à côté. Mais l’alcool, ce n’est pas ton truc, et puis avec ton gabarit, une bière risquerait de te mettre totalement à l’envers. Tu discutes avec une fille de l’équipe en regrettant de ne pas voir Léo dans les parages, avec elle, tu ne verrais pas le temps passer, c’est clair et nette. En arrivant, tu es tombée nez à nez avec Ulysse et visiblement, il était très surpris. Après tout, il y a quelques mois encore, tu n’étais qu’un fantôme, au lycée, et aujourd’hui, te voilà dans l’équipe de cheers, te voilà à la fête des predators. Tu l’as à peine regardé, Ulysse, parce que tu lui en veux, Kali. Tu lui en veux de ne pas avoir été là pour toi à la mort de Violet, de t’abandonner pour des gens superficiels. Tu lui en veux, tu lui en veux, tu lui en veux. Et pourtant, t’es là, assises sur son canapé, ce canapé que tu sais trouver, sous le coussin à la gauche. Ce canapé que tu es allée choisir, il y a huit ans, avec Ulysse et sa sœur. T’es perdue dans tes pensées, tu ne réponds que par des monosyllabes et tu émerges seulement en entendant ton nom. Tu arques un sourcil pour voir six personnes, assises en cercle avec leur bière, les yeux rivés sur toi et puis sur lui. Tu es vraiment la fille la moins chanceuse, franchement. « Hum…Je ne bois pas. » un footballer lève les yeux au ciel. « C’est pas grave, ramène des jolies fesses par ici. » tu sers les dents, t’aimes pas ce genre de type, et pourtant, tu fais ce qu’il te dit, tu viens t’assoir -à son opposé quand même- « on joue à quoi ? » tu dis, finalement, dans un soupire.

A la place d’Ulysse, tu serais au bord de la crise de nerf, voir tout ces gens chez soi, tripoter tous les bibelots, renverser de la bière sur les tapis, mon dieu, t’aurais vraiment peur de retrouver ta maison en ruine. Violet devait faire une fête, pour son anniversaire, le mois suivant son accident. Tu n’y étais même pas invitée. Et tu n’avais pas franchement envie d’y aller, pour être tout à fait honnête. A l’époque, ces amis, tu ne les aimais pas. Et aujourd’hui, comble de l’ironie, ce sont tes amis, à toi. Ou presque. C’est pour ça que tu es chez Ulysse, au milieu des Cheers et des p’s, à faire comme si tu étais à ta place, comme si tu t’amusais. Tu acceptes même ce stupide jeux à boire, en spécifiant que tu ne bois pas. Tu biens t’installer dans le cercle, à quelques mètres d’Ulysse, et tu croises même son sourire. Tu as envie de lui sourire, de lui dire qu’il te manque, mais ton égo est trop fort, surement. T’es bornée, comme nana. On t’arrache quand même un petit sourire à l’annonce du jeu, et tu regardes Ulysse d’un air presque complice, cette fois. Parce que ce genre de blague pourris, c’était votre quotidien, avant, tant et si bien que Léo voulait vous égorger, parfois. Mais, tu n’y peux rien, les blagues pas drôles, c’est ton truc. T’y mets le ton, la forme et tu n’as pas peur de te ridiculiser. Mieux, avec Ulysse, tu as développé une énorme résistance aux blagues nuls. Alors ils peuvent y aller, tu n’es pas prête à rire ! Et au premier tour, la moitié des joueurs doivent boire, alors que toi, comme Ulysse, n’avez pas ris une seule fois. C’est finalement ton tour et tu te retrouves…face à Ulysse, évidement, sinon, ce n’est pas drôle. Alors, face à lui, tu attrapes une carte, la lit et inspires profondément, pour y mettre le ton et la forme. « Ok, t’es prêts ? » tu toussotes, pour prendre deux voix différentes, puisque c’est une blague polyphonique. « - Maman, maman, c'est quoi l'esclavage ?
- Tais-toi... Quand tu parles, tu pédales moins vite et la lumière du salon
baisse d'intensité ! » et tu le regardes, dans les yeux, le plus sérieusement du monde.